Faune et flore
Le nilab
Existe-t-il, de par l’Ultimonde, plus majestueuse créature que le nilab ? Il y a de bonnes raisons d’en douter. Il suffit d’observer quelle puissance se dégage de cet animal géant, quelle beauté émane de son plumécaillage, quelle élégance accompagne son allure lorsqu’il se déplace, que ce soit dans l’eau, sur le sol ou dans les airs ! Mais outre sa seule apparence, il s’agit d’un être absolument extraordinaire, admettant une place tout à fait unique dans le processus évolutionnaire ultimondien.
Une première originalité anatomique du nilab, par rapport aux autres grands animaux, est de disposer, non de quatre, mais de six membres : deux pattes postérieures puissantes permettant une posture bipède momentanée ; deux pattes antérieures légèrement plus courtes utilisées pour les déplacements quadrupèdes ainsi que pour la saisie ; deux ailes lui autorisant le vol. Outre cela, le nilab est muni d’une longue queue palmée utilisée lors de ses déplacements aquatiques.
En effet l’une des plus grandes particularités du nilab est de constituer une créature à la fois marine, terrestre et aérienne. Depuis la disparition des antiques dragons, il s’agirait du plus grand animal connu volant au moyen d’ailes, et le seul à pouvoir plonger à plus de cinq-cents foulées-standard de profondeur. Une telle caractéristique est rendue possible par la présence de phanères tout à fait spécifiques, recouvrant presque intégralement son épiderme, et dont nous aimons traduire le nom par « plumécailles ». Ces productions cornées minces, plates et filamenteuses sont à la fois très légères et très résistantes. En s’écartant, en association avec le battement des ailes, elles permettent l’envol du nilab, tandis qu’en se resserrant, elles lui procurent l’imperméabilité à l’eau et l’isolation thermique indispensables à sa nage.
Le nilab s’adapte aisément à tous les climats et peut affronter les températures les plus extrêmes grâce à un formidable système de régulation de son hémoglobine qui peut avec une rapidité remarquable se réchauffer ou se refroidir selon les conditions dans lesquelles se trouve l’animal. Les éléments chimiques entrant dans ce processus sont d’ailleurs ce qui octroie à son sang les propriétés euphorisantes et hallucinatoires bien connues des amateurs de produits psychotropes. Bien que sa consommation ait été depuis longtemps rendue universellement illégale, cette substance fait encore aujourd’hui l’objet de trafics clandestins sur de nombreuses planètes de l’Ultimonde.
L’alimentation du nilab se compose essentiellement de poisson, d’herbe et de feuilles d’arbres qu’il peut aisément atteindre à l’aide de son long cou. Ajoutons que de nombreux observateurs affirment avoir aperçu certaines créatures capturer de petits animaux tels que des rongeurs ou des oiseaux de taille modeste. Il convient toutefois de se défier des témoignages relatant l’attaque meurtrière de nilabs sur des bêtes de taille plus conséquente, voire sur d’autres nilabs pour s’adonner au cannibalisme : ces créatures sont réputées absolument pacifiques. Les rares blessures infligées à des êtres humains relèvent toujours de cas de légitime défense.
Les seuls moments de violence connus pour cette espèce interviennent à la saison des amours, durant laquelle – autre particularité – ce sont les femelles qui s’affrontent afin de conquérir les mâles. Les quatre longues défenses dont leurs becs sont pourvus s’entrechoquent alors jusqu’à ce que l’une d’elles ressorte victorieuse du combat et acquière ainsi le droit de s’accoupler avec le mâle de son choix, savoir celui qui aura réalisé la plus belle parade. Une fois inséminée, la femelle pondra généralement un œuf unique et ne participera plus aux affrontements pour prendre soin de son petit qu’elle allaitera jusqu’à sa maturité.
Bien qu’appartenant à une espèce et à une race unique, chaque nilab présente un aspect très différent qui le rend aisément reconnaissable aux humains. D’abord, les pigments composant les plumécailles de ces animaux sont hautement mutatifs, si bien que l’on peut trouver des nilabs de toutes les couleurs imaginables, avec en général un, deux ou trois tons majoritaires pour le plumécaillage chaque individu. Ensuite, le développement de leurs quatre longues dents en ivoire fait également l’objet de mutations aléatoires, si bien que, tout en présentant une relative symétrie d’ordre facial, elles peuvent adopter les formes et les tailles les plus variées, droites, courbes, torsadées, en spirale, plongeantes, montantes, aplaties, fines, épaisses, pointues, arrondies, etc. Notons que ces défenses sont en mesure de repousser très rapidement si elles ont été sectionnées sans détérioration du nerf central.
Le nilab est presque uniquement connu, de nos jours, comme animal domestique. Ces créatures sont essentiellement utilisées comme monture ou pour le trait de véhicules flottants, voire dans le monde du spectacle pour la réalisation d’acrobaties aériennes ou sous-marines. rares sont ceux, parmi ces animaux, restant encore à l’état sauvage. Il en allait différemment autrefois, et le long processus de domestication ne commença qu’aux alentours de l’âge luminique sur de nombreuses planètes. Les études histoiriques d’Ylanë Maÿvis divulguées dans ses ouvrages Les sacrifices de Nari et Le sang du nilab en présentent l’une des très probables origines koroïennes.