Korogaï

Les mythes et légendes

Nombreuses sont les épopées relatées par les Korogaï, retraçant leurs origines et leur offrant une explication censée du monde tel qu’ils le conçoivent. Les mythes des Premiers Âges mettant en scène l’avènement de Koro ainsi que les exploits des dieux et des déesses affrontant tantôt les géants élémentaires, tantôt les démons des royaumes abyssaux, sont partagés par l’ensemble des enfants de Koro, à quelques variantes près selon les secteurs galactiques. En revanche, chaque tribu, ainsi que chaque clan, admet ses propres ancêtres, dont les aventures sont relatées dans des récits qui leur sont propres. Toutefois, les exploits de certains de ces héros ont su traverser les frontières de leur peuple originaire pour se retrouver partagés par l’ensemble de la civilisation korogaï. Nous tentons ci-après de proposer un résumé des innombrables mythes korogaï, organisés selon une structure inspirée des Chants d’Ylanë, l’œuvre la plus complète connue à ce jour concernant la mythologie des enfants de Koro.

Au commencement...

Il est dit que lorsque Naö s’endormit, il se mit à rêver et son rêve devint le Cosmos. Il rêva d’une pousse de matière, qui devint petit à petit arbuste pour donner finalement naissance à l’Arbre de Vie de Naömar, notre univers, dont les bourgeons étaient des galaxies, les branches et les rameaux des amas de ces galaxies.

Naömar était peuplé d’entités divines. L’un de ces dieux des premiers temps, Kalen, s’ennuyait. Il demanda à Ervil, le Cultivateur de Vent, de produire la Graine du Souffle de Subsistance. Grâce à celle-ci, il put donner vie à Koro en lui offrant l’Être. Toutefois, la déesse restait nue, et c’est pourquoi Kalen s’en alla voir Fajol, le Tisseur d’Ondée, afin qu’il conçoive la Robe de l’Océan. Désormais vêtue, Koro put accéder à l’Ordre, mais elle demeurait néanmoins ignorante. Alors Kalen supplia Okou, le Forgeur de Flamme, de lui frabriquer la Couronne du Firmament, grâce à quoi Koro entra dans la Lumière.

La déesse se mit alors à danser et à tournoyer autour de Kalen, lequel se mit à rayonner de bonheur. Tous les anciens dieux n’avaient plus d’yeux que pour l’incroyable beauté de la nouvelle déesse. Aussi beaucoup décidèrent-ils de lui offrir un présent et créèrent pour elle des entités chargées de la servir : les géants élémentaires. Ces divinités devaient répondre à toutes ses exigences, et permirent à la déesse de conserver au gré des âges son éclat et sa beauté. Ce fut certainement la période la plus harmonieuse dans la vie de Koro.

Un jour que Kalen vint visiter Koro, celle-ci s’en trouva enceinte. Deux enfants crurent dans ses entrailles de manière jumelée : Aïslav et Tzarê. Le premier, Aïslav quitta le ventre de Koro avant la fin de sa conception : il demeurait mi-homme, mi-poisson, et était si petit qu’il passa inaperçu et s’emmêla dans la Robe de l’Océan. Le second, Tzarê, refusa de quitter le giron et devint peu à peu un puissant dragon. Ainsi, le ventre de Koro continua de grossir, de s’enfler et de s’arrondir, jusqu’au point où sa vie s’en vit menacée. Les géants élémentaires décidèrent d’agir. Koro était devenue si grande qu’ils pouvaient aisément pénétrer en son sein. L’un après l’autre, ils affrontèrent Tzarê, mais à chaque fois, le dragon les dévora, et ce jusqu’au dernier.

Il semblait qu’il n’y eût plus aucun espoir pour Koro, lorsqu’un dieu jaillit de l’océan : « Je vaincrai Tzarê », déclara Aïslav. Mais il était lucide et savait qu’il ne pourrait y parvenir sans aucune aide. Alors, il en appela à Koro, qui lui offrit trois artefacts, conçus pour elle par les élémentaires : les Bottes de Téléportation, le Miroir de Révélation et la Lame d’Ablation. Doté de cet équipement, Aïslav partit affronter Tzarê. Grâce au Miroir de Révélation, il connaissait les attaques planifiées par le dragon. Dès lors, les Bottes de Téléportation lui permettaient d’y échapper et la Lame d’Ablation de frapper son ennemi. Mais ces attaques demeuraient sans effet, car la carapace du monstre était trop solide et avait la capacité de repousser. La seule solution, ainsi que le révéla le miroir, était de se téléporter juste devant la gueule du monstre, au risque de se faire mordre, afin de lui trancher le cou. Aïslav y parvint, mais au moment de porter le coup fatal, il se vit transpercé par le dardent que le dragon avait dans sa gueule, et les deux frères se donnèrent donc mutuellement la mort.

Tzarê mort, les géants élémentaires purent sortir de ses entrailles. Ils utilisèrent les artefacts d’Aïslav afin de découper la carcasse du dragon, d’emmener les fragments de son cadavre aux quatre coins de l’univers et d’avoir ainsi l’assurance qu’il ne puisse jamais revenir à la vie. Ce faisant, ils libérèrent l’espace des entrailles de Koro, mais Tzarê était y était resté trop longtemps, et son sang écoulé était devenu une lave emplissant son sein, aussi la déesse conserva-t-elle sa taille et sa forme ronde et put dès lors être peuplée par les géants élémentaire. Chacun avait un rôle précis, et seule leur entente permettait à Koro de trouver l’équilibre. La Terre-Mère commença alors à se couvrir de montagnes, de plaines, de vallées, de forêts, de déserts, de lacs et de rivières… Quant à  Aïslav, lorsqu’on incinéra son corps, on découvrit à l’intérieur un œuf de cornaline flamboyant d’un feu qui ne cessait jamais de se consumer, et qui ne brûlait pas au toucher.

Les géants élémentaires conservèrent précieusement l’œuf et le placèrent en sécurité. Au fil des années, sans cesser de se consumer, l’œuf se mit à grandir, grandir, grandir, jusqu’à ce qu’un jour, un être très particulier en sortît, mi-homme mi-lézard. Aïslav, lui issu de la chair de Koro, venait de ressusciter sous une nouvelle forme. En venant pour la seconde fois au monde, il demanda qu’on lui remît les artefacts grâce auxquels il avait vaincu Tzarê afin de se proclamer roi de l’ensemble du Cosmos. Sa requête fut acceptée : les élémentaires lui rendirent donc Bottes de Téléportation, Miroir de Révélation et Lame d’Ablation, puis lui bâtirent sur Koro un palais somptueux à sa gloire, digne d’accueillir son règne.

Les trois royaumes

Les premiers temps du règne d’Aïslav furent très heureux : les artefacts en sa possession le rendaient extrêmement puissant et il s’en servait pour faire prospérer le royaume qui lui était échu. Les élémentaires le servirent comme ils avaient jadis servi Koro et acceptaient sans condition la domination de leur nouveau roi, et celui-ci leur rendait la confiance qu’ils lui accordaient en leur laissant toute liberté dans l’accomplissement de leur tâche. Aïslav, contrairement aux élémentaires, voyait son corps soumis à l’action du temps, mais ceux-ci allaient puiser pour lui le lait de longévité, le kornoloï, à la fontaine mamellaire de Koro, et Aïslav pouvait ainsi vivre éternellement, tandis que s’écoulaient les ères et les éons.

Toutefois, les élémentaires s’interrogeaient, car il devait être bien naturel pour un dieu tel que lui de désirer une descendance ; or, il n’honorait jamais aucune géante élémentaire et gardait pour lui sa semence. Il advint qu’un jour, alors qu’Aïslav rendait visite au géant élémentaire Lôhôsh dans les profondeurs souterraines de Koro, celui-ci profita de la pénombre pour regarder dans le Miroir de Révélation sans que le roi s’en aperçût. Il y vit alors que le dieu devait être renversé par son propre enfant, lequel serait amené à prendre sa place en tant que roi. Lôhôsh supposa que c’était la raison pour laquelle Aïslav gardait pour lui sa semence et partagea l’information avec les autres élémentaires.

Alors, un jour, alors qu’il lui rendait visite dans les abîsses océaniques, la géante Uglaë s’empara discrètement de la semence d’Aïslav et la cacha sous ses pieds. Elle put ainsi donner naissance à une déesse : Mamanikam. La géante Aram, elle aussi, tenta sa chance, et lorsqu’il vint la voir dans la forêt profonde, elle cacha la semence d’Aïslav dans son nombril, et enfanta la déesse Nari. Ce fut au tour de Fahole de se servir d’un stratagème similaire pour engendrer à son tour une divinité, après avoir caché la semence du roi dans sa chevelure : le dieu Létro. Craignant qu’Aïslav ne tue les enfants s’il apprenait leur existence, afin d’empêcher la prophétie de s’accomplir, les trois géantes gardèrent le secret sur l’existence de ces divins enfants.

Cependant, Aïslav possédait le Miroir de Révélation, et rien ne lui pouvait être caché. Il demanda aux élémentaires qu’on lui apporte sa descendance, et l’on s’exécuta devant les ordres du roi. Aïslav s’avança vers Létro et brandit sa Lame d’Ablation, mais alors que tous s’attendaient à le voir en frapper son fils, posa l’artefact devant l’enfant et déclara : « Mon fils, je t’offre cette lame, qui me servit jadis à vaincre Tzarê, puisse-t-elle t’être utile afin de régner sur le royaume céleste dont je te fais hériter. » Puis il se tourna vers Nari et, posant les Bottes de Téléportation devant elle : « Ma fille, je t’offre ces souliers, puissent-ils te servir pour régner sur le royaume sylvestre, dont tu es l’héritière. » Enfin, à Mamanikam, après avoir déposé le Miroir de Révélation devant sa fille : « Quant à toi, je t’offre ce miroir, dans l’espoir qu’il te serve pour ton règne sur le royaume abyssal. » Alors, Aïslav abdiqua et se retira en un lieu inconnu. Il avait compris qu’il ne pouvait empêcher une prophétie de se réaliser, et témoignait ainsi de sa grandeur.

Les trois enfants divins furent élevés par leurs mères respectives, grandissant en attendant l’âge auquel ils pourraient prendre possession de leurs royaumes, une fois devenus adultes. Mamanikam, Nari et Létro se retrouvaient souvent pour partager leurs jeux et n’hésitaient pas pour cela à utiliser les artefacts de leur père : Mamanikam retrouvait toujours Létro et Nari lorsqu’ils jouaient à se cacher ; Nari parvenait toujours à échapper aux deux autres lorsqu’il s’agissait de s’attraper ; Létro remportait tous les parcours d’obstacle, se contentant de réduire à néant tous les obstacles du parcours. Il advint que Mamanikam fut jalouse de Nari et de l’amitié qu’elle entretenait avec Létro. Alors, un jour, elle l’emmena à la fontaine mamellaire de Koro d’où jaillissait le kornoloï et, après lui avoir tendu un piège, elle fit tomber sa demi-soeur dans la fontaine où Nari manqua se noyer. Lorsqu’elle en ressortit, elle était condamnée à demeurer éternellement une enfant.

Ainsi, Létro et Mamanikam continuèrent de grandir, tandis que Nari restait dans l’enfance. La petite fille voulait continuer de jouer avec eux, mais bientôt, son demi-frère et sa demi-soeur voulurent pratiquer des jeux auxquels Nari ne pouvait être conviée. Alors, prise d’une indéfectible tristesse, la divine fillette utilisa ses Bottes de Téléportation pour partir dans un lointain royaume où elle pourrait écouler sa peine. Elle pleura, pleura, pleura, et chacune de ses larmes faisait pousser un arbre, et le monde se vit bientôt recouvert par une immense forêt croissant au gré de ses pleurs ininterrompus. Des bois de walgue se mirent également à pousser au-dessus de sa tête.

Un jour, elle reçut la visite d’un étrange personnage, mi-homme, mi-lézard, qui prétendait vouloir la réconforter. C’était son père, Aïslav. Après avoir abdiqué de son trône, Koro lui avait offert, pour le récompenser de la noblesse dont il avait su faire preuve, la Parole Sacrée : il pouvait donner la vie à toute chose en lui attribuant un nom. Il proposa alors à Nari de modeler des créatures à partir de la chair de Koro, c’est-à-dire de la terre qui en couvrait la surface, et que lui-même pourrait par la suite animer. Cette activité consola Nari, et elle s’y adonna avec toute la passion et le sérieux de l’enfance. Chaque fois qu’elle donnait forme à une nouvelle créature, elle venait le présenter à Aïslav, et celui-ci lui donnait la vie en lui attribuant un nom, et Koro commença ainsi à se peupler d’animaux. Et il est dit que Nari se servit de ses Bottes de Téléportation pour créer de nouvelles formes animales sur bien d’autres mondes encore.

De leur côté, Létro et Mamanikam continuaient de grandir et finirent par devenir des adultes. Chacun prit dès lors possession du royaume qui lui avait été attribué par leur père Aïslav : le royaume céleste pour Létro et le royaume abyssal pour Mamanikam. Mais le dieu et la déesse, durant leur jeunesse passée ensemble, s’étaient épris l’un de l’autre. Alors, ils se retrouvaient souvent, l’un rejoignant l’autre dans son propre royaume, Mamanikam montant au ciel ou Létro descendant dans les profondeurs, et ils passaient du temps ensemble et partageaient une coupe de kornoloï avant de s’en retourner chacun dans leurs royaumes respectifs.

Toutefois, la question se posa de l’héritage du royaume terrestre. Ne pouvant grandir, Nari ne pourrait jamais en assurer la régence, si bien qu’il fallait décider à qui il devrait revenir. Mamanikam prétendait qu’avec le Miroir de Révélation, elle était plus à même de savoir ce qui était bon pour lui. Quant à Létro, il disait que la Lame d’Ablation lui permettrait de mieux le défendre si des menaces se présentaient. Ces discussions dégénérèrent en un conflit de telle ampleur qu’ils en furent amenés à porter l’affaire devant les géants élémentaires afin d’avoir leur opinion. Ils offrirent la solution, guidés par Gnârok : puisque le dieu et la déesse n’étaient pas en mesure de trouver un compromis, ce seraient eux, les élémentaires, qui règneraient sur le royaume terrestre.

Cela mena le dieu et la déesse à une dispute encore inégalée : chacun reprochait à l’autre la perte du royaume terrestre. Le conflit dégénéra en véritable bagarre. Aveuglé par la colère, Létro tira la Lame d’Ablation de son fourreau et, en frappant Mamanikam, il ôta la vie de sa compagne. Il réalisa trop tard l’horreur de l’acte qu’il venait d’accomplir, et en appela aux élémentaires pour la rappeler à la vie, mais on ignorait comment. Alors, Létro arracha l’un des yeux de Mamanikam et se l’enfonça au sommet du crâne afin de pouvoir contempler en permanence le firmament renfermant l’esprit de Koro. Puis il s’assit en position de méditation et tâcha d’entrer en communication avec son aïeule afin de connaître sa volonté.

Koro fit savoir à Létro qu’il existait un moyen de sauver Mamanikam : « Elle doit être dévorée par Lôhôsh. Dans son ventre, elle ne sera ni tout à fait vivante, ni tout à fait morte, mais elle pourra continuer de régner sur le royaume abyssal qui lui revient. » Ainsi fut fait : Mamanikam rejoignit les entrailles de l’élémentaire des souterrains, où elle commença immédiatement à ruminer sa vengeance au sein de ces profondeurs sinistres. Or un moyen allait lui en être donné, car elle s’aperçut bien vite qu’elle était enceinte au moment du meurtre perpétré par son ancien amant. C’est alors que toute l’ironie de leur situation se présenta à elle : il eût suffi qu’elle regarde dans le Miroir de Révélation pour trouver la solution qui leur manquait et qui aurait fait office de compromis : engendrer un enfant pour que celui-ci régnât sur le royaume terrestre. Mais il était trop tard désormais.

Mamanikam donna naissance non pas à un, mais à deux enfants : les jumeaux Oshîn et Zimmit. Le premier rayonnait d’un éclat doré, tandis que la seconde brillait d’un éclat argenté. Lorsqu’il apprit l’existence de ces enfants, Létro demanda à Mamanikam de les laisser rejoindre leur père au sein du royaume céleste, ce que la déesse refusa. Mais Létro la supplia tant et si bien que Mamanikam donna ses conditions pour que le père puisse voir ses enfants. D’abord, il devrait cesser de boire du kornoloï : il devrait être soumis aux affres de la vieillesse en guise de châtiment pour son crime. Ensuite, toutes les créatures mortelles devraient la rejoindre au Lôhôsh une fois leur période de vie échue, et elle en ferait ce qu’elle voudrait. Enfin, l’inceste entre frère et sœurs serait dorénavant interdit, et pour s’en assurer, Oshîn et Zimmit ne devraient jamais se rencontrer : lorsque l’un serait au royaume céleste, l’autre se trouverait dans le Lôhôsh, et inversement. De plus, il revenait à Létro de trouver un moyen pour permettre à Oshîn et Zimmit de se rendre jusqu’au ciel. Le dieu accepta toutes ces conditions sans hésiter.

L'avènement des dieux

Après la naissance des jumeaux et le pacte fait avec Mamanikam, alors que Létro se morfondait de ne toujours pas avoir trouvé un moyen pour permettre à ses enfants de rejoindre le royaume céleste, une étrange machine apparut sur la surface de Koro. Il en sortit un dieu qui se présenta comme Tonq, fils de Tonq, et qui dit venir d’un lointain futur où il créera une machine permettant de revenir dans le passé. Lorsque Létro voulut le solliciter, il répondit qu’il connaissait déjà son problème et que c’était la raison pour laquelle il était venu. Il se rendit au fond de l’océan où il se bâtit un atelier et mit au point deux vaisseaux susceptibles de voler et de transporter leurs propriétaires du royaume souterrain au royaume céleste et inversement. Le premier, le vaisseau-lumière, il l’offrit à Létro pour qu’il rejoigne les cieux le jour. Le second, le vaisseau-miroir, ce fut à Zimmit qu’il revint pour qu’elle se rende au firmament durant la nuit.

Alors, Tonq s’isola dans son atelier et s’adonna entièrement à ses créations qu’il offrit aux autres dieux. Ainsi, c’est lui qui fut, entre autres, à l’origine du Grand Livre de la Destinée, de l’épée de lumière d’Oshîn, du collier d’invisibilité porté par Mamanikam, du fusil à éclairs et de l’armure d’invincibilité de Noïlrog, du bâton de lévitation et de la boussole d’Olokîn, de la ceinture de métamorphose de Nari, de la robe changeante de Vaëli, de la lance qui trouve toujours sa cible de Pulpula, ou encore de la coupe de liqueur illimitée de Tîn.

Au sein du royaume terrestre, Aïslav n’ayant plus à craindre les effets de la prophétie déjà réalisée, il ne craignait plus de s’accoupler avec les élémentaires, et n’hésitait aucunement à jouir de cette liberté. Un jour qu’il s’accouplait avec Wahî, il entendit des cris provenant de l’intérieur de son corps fait de terre. Il se mit alors à gratter, à creuser, à déplacer la terre pour former un paysage de collines qui donna des formes sulfureuses à Wahî, jusqu’ici complètement plate. À l’intérieur, il découvrit une petite fille à la peau brune à la voix merveilleuse. La petite fille se mit à chanter, et aussitôt des fleurs se mirent à pousser un peu partout dans la plaine qui les entourait. Il la nomma Vaëli.

Vaëli chantait sans cesse, et partout où elle allait, sa voix résonnait, et avec elle, toute la nature fleurissait, mais il arrivait qu’elle fût triste, et dès lors, ses chants s’interrompaient, et la nature dépérissait. Il arriva un temps où elle avait définitivement cessé de chanté et la nature en vint à dépérir. Un oiseau lui demanda ce qui la rendait si triste, et Vaëli expliqua que son cœur ne connaissait pas l’amour. L’oiseau, qui avait été envoyé par Oshîn, lui rapporta l’information. Oshîn alla donc à la rencontre de Vaëli, et la déesse fut tellement éblouie par la beauté du dieu qu’elle reprit son chant. Oshîn, par devoir pour préserver la nature, décida de l’épouser. Mais il se retirait régulièrement pour séduire d’autres conquêtes, avant de s’en revenir à son épouse, qui tantôt chantait, tantôt interrompait son chant, prise de tristesse. Ceci engendra le cycle des saisons.

Aïslav ne se contentait pas des géantes élémentaires : il lui arrivait souvent de partager les joies du corps avec certaines des créatures conçues par Nari. Un jour, il copulait avec une povale géante du nom de Lagdam lorsque l’élémentaire des volcans, Kraÿl, les surprit. Elle entra alors dans une colère jalouse et vomit un torrent de lave sur les deux amants. Aïslav y échappa de justesse, mais Lagdam se retrouva prisonnière. Lorsque la lave fut asséchée, on put observer une statue en forme de Povale. Kraÿl offrit la statue à Mamanikam, qui la plaça à côté de son trône au sein de son royaume souterrain. Ce n’est que bien plus tard que Zimmit fit tomber par inadvertance la statue qui se brisa pour laisser apparaître un homme formé : le dieu Noïlrog. Sentant toute la colère qui résidait dans cet être, Mamanikam décida de l’adopter. En outre, Zimmit n’étant pas mariée, la déesse choisit de faire de Noïlrog son époux.

Ensemble, Zimmit et Noïlrog engendrèrent la déesse Pulpula, mais n’ayant guère le temps de s’occuper de cette fille offerte par le destin, ils la délaissèrent et Pulpula fut recueillie par une kêrok qui l’allaita et dont elle partagea les jeux des petits. En grandissant elle se mit à ressembler de plus en plus à ses frères et soeurs de lait : notamment, sou ouïe et son odorat se développèrent énormément, et elle devint une excellente chasseuse à force de les accompagner à la chasse.

Or, un jour qu’elle était en train de chasser, elle s’aperçut que le soleil s’effaçait progressivement, dévoré par une ombre qui laissait place à une éclipse. Curieuse de connaître la raison d’un tel phénomène, elle se rendit dans le royaume céleste et voulut observer la chose de plus près. Le vaisseau-miroir de Zimmit venait masquer le vaisseau-lumière d’Oshîn. Cachée derrière un nuage, Pulpula s’approcha doucement, et finit par apercevoir sa propre mère, Zimmit, pourtant mariée à Noïlrog, en train de s’accoupler avec le dieu Oshîn.

Horrifiée, elle ne put retenir un cri. Repérée par Oshîn, celui-ci tourna vers elle son épée de lumière, et Pulpula en devint aveugle. Elle peina à retrouver son chemin, mais s’aperçut qu’elle pouvait compter sur ses autres sens pour se diriger. Lorsque son père, Noïlrog, constata sa cessité, il lui en demanda l’origine. Tout d’abord, Pulpula ne voulut pas répondre, de crainte de subir d’autres châtiments de la part d’Oshîn, mais Noïlrog sut se faire insistant, et elle se vit contrainte de lui raconter ce qu’elle avait surpris au cours de son excursion.

Lorsqu’il l’apprit, Noïlrog entra dans une rage folle. Or Zimmit était tombée enceinte de ses ébats avec Oshîn et avait mis au monde un garçon : le dieu Olokîn. Se doutant que Noïlrog mettrait certainement à mort cet enfant s’il apprenait son existence, Zimmit partit pour un lointain pays, où elle confia son fils à la Chèvre à Quatre Cornes, puis elle souffla sur la région afin d’y créer une brume afin qu’il devienne impossible à son époux d’y repérer l’enfant. C’est ainsi qu’Olokîn grandit loin de sa famille et des autres dieux.

Noïlrog, devant la trahison de son épouse, jura de se venger. Aussi, lorsque l’occasion se présenta, il tendit un piège à Vaëli, alors mariée avec Oshîn, et la viola. Elle aussi tomba enceinte, mais l’enfant auquel elle donna naissance suite à ce sacrilège était absolument hideux, nain, difforme, et n’était ni d’un sexe, ni de l’autre : il s’agissait de la divinité hermaphrodite Tîn. Vaëli rejeta son enfant qui lui rappelait tant de souffrances, et Tîn fut entièrement livré(e) à soi-même, et commença, dès son plus jeune âge, à générer toutes sortes de catastrophes.

La guerre de Koro

Mamanikam était furieuse du sort que Létro lui avait infligé et méditait dans l’ombre sa revanche. Avec l’aide du Miroir de Révélation, elle découvrit où les géants élémentaires avaient caché l’une des parties les plus importantes du Démon Primordial Tzarê : ses parties génitales. Elle demanda à Lôhôsh de s’y rendre et d’avaler le sexe de Tzarê, ce qu’il fit après avoir dérobé les Bottes de Téléportation de Nari, qui lui permirent de se rendre en ce lieu aux confins de Naömar, puis de s’en revenir dans les entrailles de Koro sans qu’aucune divinité ne s’en fût aperçu. Le sexe de Tzarê s’était transformé pour devenir le terrible Démon-Ver Ipaka.

Ipaka avait la faculté, en engloutissant une créature défunte, de se repaître de son âme pour la corrompre et donner naissance en retour à un démon. Mamanikam se servit de cette capacité pour former progressivement une immense cohorte de créatures démoniaques grâce auxquelles elle comptait bien conquérir le royaume terrestre. Au terme de nombreuses années au cours desquelles Ipaka dévora de manière ininterrompue toutes les créatures mortelles qui avaient fini par rejoindre le Lôhôsh, l’armée de Mamanikam fut formée et prête à déferler sur le royaume terrestre.

Mamanikam ne pouvait certes pas quitter les entrailles de Lôhôsh, mais elle convainquit Zimmit que le royaume terrestre lui appartenait de droit, puisqu’elle était la descendante en ligne directe d’Aïslav. Zimmit fut rejointe dans son combat par d’autres divinités. Notamment, les géants élémentaires Kraÿl, Vrox, Uglaë et Pêl-Paal, ainsi que son époux Noïlrog et sa fille Pulpula combattirent pour sa cause. De leur côté, les dieux de la surface, connaissant les intentions de Mamanikam, s’étaient préparé à défendre le royaume terrestre de la menace qui pesait sur lui, et Oshîn comptait bien se battre pour un royaume qu’il estimait lui revenir de plein droit. On trouvait notamment dans ses rangs les élémentaires Gnârok, Fahole, Vaal et Alnaghor, son épouse, la déesse Vaëli, ainsi que le dieu Tonq. Ils avaient en outre avec eux les créatures formées par Nari et rendues vivantes par la parole d’Aïslav.

Les deux camps s’engagèrent donc dans une guerre qui devait durer plus de dix mille années. Au cours de ces affrontements, Oshîn s’en référait à la sagesse de Létro qui, depuis le royaume céleste, communiquait avec l’esprit de Koro afin de connaître le cours de la guerre. Zimmit, quant à elle, en faisait appel à Mamanikam, laquelle possédait toujours le Miroir de Révélation afin d’anticiper les manœuvres de ses adversaires. Aussi les deux armées semblaient-elles à peu près équivalentes. Leur choc fut terrible et fit trembler par les cris de guerre et le choc des armes l’ensemble de la surface de Koro.

Si les premières batailles furent remportées par l’armée menée par Oshîn, notamment grâce aux armes supérieures que leur procurait Tonq, la situation s’inversa rapidement, car sitôt qu’une créature mourait, elle était aussitôt transformée en démon au coeur du Lôhôsh et venait renforcer les armées dirigées par Zimmit. On interrogea Létro, qui suggéra de créer une nouveau type de créature qui ne soit pas vivante, si bien qu’elles ne seraient pas soumises à la mortalité. C’est ainsi que Tonq se mit au labeur pour créer les robots, lesquels prirent dès lors part aux combats.

Cela changea le cours de la guerre. Désormais, les forces des deux camps s’équilibraient. Les batailles s’enchaînaient, sans que nul ne pût être déclaré vainqueur, et la guerre s’éternisait. On interrogea à nouveau Létro afin de trouver une solution à cet interminable conflit qui opposait Zimmit et Oshîn, lesquels revendiquaient tous deux la suprêmatie sur le royaume terrestre. Celui-ci que, puisqu’il s’agissait de l’héritage d’Aïslav, c’était à lui qu’il fallait demander lequel d’Oshîn ou de Zimmit il privilégierait pour lui succéder. Aïslav fit alors disparaître la source de l’immortalité des dieux, la fontaine de kornoloï, et décréta qu’elle ne leur serait rendue qu’à condition qu’un compromis soit trouvé.

Alors, Oshîn et Zimmit se rencontrèrent et décidèrent au terme de leurs pourparlers de partager le royaume terrestre et de régner en alternance : durant le jour, Oshîn serait considéré comme l’aÿr des dieux, tandis que Zimmit en serait l’aÿre tout au long de la nuit. En outre, Koro, par la voix de Létro, suggéra de mettre en place un arkoÿn divin au cours duquel toutes les divinités seraient conviées à partager le kornoloï et à discuter des affaires de Koro, y compris Mamanikam, qui serait autorisée à quitter le Lôhôsh à cette occasion. Mais afin de s’assurer que les démons ne puissent plus quitter le Lôhôsh, Koro confia à Pulpula la responsabilité d’en assurer la garde.

À suivre…

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